Pour ce nouvel épisode, j’ai le plaisir d’échanger avec Nicolas Langlois d’Estaintot, Co-fondateur et Directeur Général de la marque éco-responsable Perùs.
TOUS LES ÉPISODES DU PODCAST
Dans cet épisode, Nicolas échange avec nous sur :
- La naissance de la marque au Pérou
- Les débuts du projets,
- L’erreur qui aurait pu tout arrêter,
- Les attentes des nouveaux consommateurs
- Sa stratégie avec les réseaux sociaux
- Des conseils pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale,
- Et pleins d’autres sujets…
Si les propos de Nicolas vont ont interpellé ou si vous vouliez lui poser des questions, vous pouvez le contacter sur les réseaux sociaux ou sur son e-mail « nicolas@perus.co« .
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Je vous souhaite une bonne écoute.
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POUR ME CONTACTER
L'INTERVIEW DE NICOLAS LANGLOIS D'ESTAINTOT - PERÙS
GC – Est-ce que tu pourrais te présenter et expliquer le concept de Perùs ?
NL – Bonjour, je présente, Nicolas Langlois, Directeur Général et cofondateurs de Perùs, marque de mode responsable inspirée par l’Amérique du Sud créée fin 2014.
GC – Qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans le domaine du prêt-à-porter avec tes partenaires ? Comment se sont passés les débuts de Perùs ?
NL – En 2014, on a 22 ans et on est en fin d’études. À l’époque, on a du mal à se reconnaître dans les stages qu’on a fait et on se demande ce qu’on va faire après nos études. L’idée d’entreprendre nous plaisait déjà bien. On rejoint un ami faire un voyage « sac à dos » en Amérique du Sud et dès les premiers jours, on tombe sur des baskets à motifs ethniques.
On ne sait pas pourquoi, mais c’est un genre de déclic en voyant le produit. Personne n’a rien vu de tel en Europe et on s’achète une paire. Pendant tout le voyage, on n’arrête pas de dire qu’il faut vraiment qu’on crée une marque avec ce concept. On en parle pendant des heures et on imagine déjà un business plan pendant nos trajets en bus qui durent entre 10 et 12 heures. À la fin des six semaines de voyage, on rentre et on entame le travail : ébauche de business plan, contacte avec une association et les fournisseurs…
Entre l’idée pendant le voyage et la première étape du crowdfunding, c’est-à-dire de juillet à septembre, il se passe à peine quatre mois. On retourne au Pérou d’octobre à début novembre pour faire des prototypes et on lance notre première campagne début décembre avec quelques photos de nos premiers prototypes. En un mois, on vend 2 000 paires, soit plus de cent mille euros de pré-commande. L’aventure était lancée. Pour répondre à ta question, je pense qu’on était sur le qui-vive. On aurait trouvé, d’une manière ou d’une autre, une excuse pour entreprendre. Ce fut le secteur de la mode, mais ça aurait pu être autre chose.
GC – Comment vous êtes-vous entourés au début du projet pour bien faire les choses, pour avoir les connaissances, convaincre les banques… ?
NL – Aucune banque ne nous a suivies. On a mis 2 000 € chacun pour faire le premier voyage et les premiers prototypes. Ensuite, tout a été autofinancé grâce au crowdfunding. C’est toute la magie du financement participatif. Avec juste un projet, une idée, des photos, le bon réseau, la bonne manière de communiquer, on peut lancer le projet et démarrer l’activité sans fonds.
Au final, on ne s’est pas posé de questions. On s’est dit « On fait un crash test avec le crowdfunding. Si ça marche, tant mieux. Ça ne marche pas, tant pis. On fait autre chose ». Et ça a fonctionné. En résumé, on ne s’est pas posé de question et on a foncé. Après, c’est une qualité et un défaut. Parce que derrière, il a fallu livrer ces 2 000 paires et on a galèré.
GC – C’est quoi l’erreur qui aurait pu couler Perùs dès le début ?
NL – On était un peu light sur les process, s’assurer que le fournisseur était capable de vraiment bien produire toutes les paires qu’il nous avait promis. Sur place, il nous avait dit « Aujourd’hui, on peut faire 500 paires par mois. Dans deux mois, si c’est nécessaire, on peut passer à 2 000 paires par mois ». On lance le crowdfunding et rapidement, on se rend compte qu’on va faire plus ou moins 2 000 paires. On estime à quatre mois la production et on annonce une livraison en avril. Sauf qu’entre janvier et août, soit huit mois, ils n’ont produit que 500 paires.
À ce moment-là, c’est la panique complète. À chaque fois qu’on annonçait une rallonge de délai, nos fournisseurs finissaient par prendre à nouveau du retard. Pour rassurer certains clients, on a passé des centaines d’heures à leur répondre de manière personnalisée. Au final, nous sommes retournés sur place pour trouver un autre fournisseur un peu plus « industriel » et capable de faire plus de paires. Onze mois plus tard, on a réussi à tout livrer.
C’était vraiment un moment compliqué, mais il n’y a quasiment pas eu d’annulation et très peu d’énervement de la part des clients. Grâce à la jeunesse de boîte, les gens ont été beaucoup plus tolérants. Heureusement, car ça aurait pu en effet enfin couler la boîte. Le fait d’avoir fait un vrai suivi, une démarche de réponse personnelle, d’appeler les clients pour leur expliquer… la confiance est restée. Les gens ont dû se dire : « Au pire, ça n’arrive pas, mais ils ont l’air plutôt sympas. Au moins, ils essayent ».
GC – Beaucoup d’entrepreneurs ont besoin de savoir pourquoi ils se lancent dans la création d’entreprise. Est-ce que tu pourrais nous parler de ce qui te motive ou ce qui te pousse à te donner pour la marque Perùs ?
NL – Il y a trois dimensions au coeur du projet : éthique, originale et social. Tout d’abord, il y a l’aspect inspiration Amérique du Sud. Ensuite, on veut que l’ensemble des personnes qui travaillent pour Perùs soient rémunérées à leur juste valeur. Ce qui n’est pas tout le temps le cas dans l’univers du textile. Le dernier aspect est social : pour chaque produit acheté, une journée d’école est financée en soutien à l’éducation au Pérou.
Notre objectif est de faire les choses bien, d’avoir un produit qui nous plaît et qu’il y ait une juste répartition pour le travail de tous les intervenants. En plus de ça, on veut qu’il y ait un bonus qui soit redistribué et qui aide des populations qui sont dans le besoin. C’est vraiment notre vision. On a du respect pour tous les gens qui travaillent sur Perùs et on veut ce petit truc en plus qui est le projet social. Ça nous tient à cœur et c’est une source de fierté. Si demain Perùs venait à s’arrêter, qu’est resterait-il de notre action ? À part le fait d’avoir lancé une boîte… Le fait qu’on a aidé une association pendant longtemps avec un impact positif.
GC – Selon toi, quelles sont les attentes des nouveaux consommateurs ?
NL – Selon moi, les consommateurs font beaucoup plus attention à ce qu’ils achètent, ils s’informent plus et demandent plus des marques. Ils ont compris qu’ils avaient un vrai pouvoir sur la manière d’acheter. Ils choisissent leurs marques en fonction de ce qu’elle représente, ce qu’elle défend comme idée, ce qu’elle défend comme projet…
De manière contradictoire, il y a aussi un développement de la fast fashion pour des raisons de prix d’achat, de style et d’accessibilité. J’ai beau avoir une marque de mode responsable, il m’arrive de consommer sur Amazon ou Ali Express. J’en ai honte, mais ça m’est déjà arrivé. En étant dans cette industrie, j’essaie vraiment de participer à des crowdfunding de jeunes marques, d’aider ou de consommer chez des marques de mode responsable.
Mais pour tout le monde, c’est une transition qui se fait progressivement. Pour moi, la phase suivante passe par énormément de transparence de la part des marques. Ça se développe sous diverses manières comme : donner son impact carbone, faire des études d’analyse de cycle de vie des produits…Voire préciser ses fournisseurs, les salaires qui sont donnés… Montrer l’envers du décor avec des informations assez précises. À notre niveau, on essaye de le faire dans la mesure du possible. En tout cas, cette transparence sert à prouver ce qu’on dit : qu’on est une marque responsable, qu’on essaye d’avoir une juste répartition… Il faut pouvoir le prouver et le montrer.
C’est la meilleure alternative au green washing. C’est le plus dur pour les grandes marques. Elles doivent changer tellement de choses avant d’être parfaites à tous les niveaux… En tant que petite marque, on est beaucoup plus maniable pour changer nos pratiques très rapidement. C’est un peu l’avantage qu’on a sur elles.
GC – Comment arrivez-vous à concilier les attentes de ces nouveaux consommateurs qui veulent consommer locale et votre façon de produire avec un concept qui se partage entre la France et le Pérou ?
NL – c’est tout le paradoxe. Un des premiers à en parler, c’est Veja. La marque mettait en parallèle le côté positif de leurs démarches environnementales, leurs engagements… et la basket, produit de surconsommation de base qu’ils faisaient produire au Brésil. Sujet sur lequel nous avons la même réflexion actuellement : comment fait-on pour concilier un engagement social, éthique et environnemental ? Notre inspiration vient d’Amérique du Sud, on travaille avec des produits artisanaux locaux au Pérou, en Bolivie, etc…
Cela implique de ne pas s’approprier leurs motifs, de ne pas les produire ailleurs que dans le pays où on les a trouvés. Pour répondre à cette problématique, nous créons les nouveaux produits avec nos propres motifs, en évitant de reprendre des modèles que nous avions vu sur place. Autre point important : la production. Nous avons commencé à relocaliser une partie de la production en Europe avec le Portugal et l’Espagne. À terme, l’objectif est de produire dans le pays où l’on vend… au plus proche en tout cas. Ce qui restera de l’âme de Perùs, c’est tout le projet social.
L’étape suivante est de savoir comment faire pour nous désengager progressivement du Pérou, sans mettre à mal les ateliers sur place ? Il y a encore plein d’autres sujets sur lesquels nous travaillons avec les équipes comme rendre les produits plus accessibles en ayant un style moins marqué, avoir une durabilité produit encore plus longue… Notre objectif est vraiment d’avoir un impact écologique moindre et tous ces sujets sont entremêlés.
GC – Pour reprendre Simon Sinek, quel est le « pourquoi » de Perùs ?
NL – La juste répartition : faire en sorte que tous les acteurs qui travaillent sur la marque soient justement rémunérés. Pour moi, c’est le premier aspect.
GC – Est-ce que tu pourrais nous expliquer comment vous avez appréhendé les réseaux sociaux ? Comment vous les faites évoluer ? Quelle est votre stratégie dans les grandes lignes ?
NL – On a une forte dépendance aux réseaux sociaux. C’est à la fois une force et une grande faiblesse. Dès le début, on les a beaucoup utilisés en utilisant une sorte de hack. Avant même le début du projet, on a présenté notre projet avec quelques photos sur des groupes Facebook d’expatriés. À ce moment-là, les groupes avaient un énorme reach organique (ndlr : le nombre de personnes ayant vu le post non-payant), ce qui nous évitait de trop investir dans la publicité. Et les échos sur notre projet étaient incroyables ! Les gens adoraient le produit, l’idée, la démarche… En à peine deux semaines, on avait 4 000 à 5 000 likes avant même le début du projet. Une fois la campagne de crowdfunding terminée, on avait déjà 20 000 likes sur Facebook. C’était énorme ! Aujourd’hui, ça serait impossible de reproduire la même chose.
Après cette première utilisation des réseaux sociaux, on a commencé à faire un peu de publicité. C’était « l’âge d’or » car la concurrence était moins forte. À l’époque, on avait une répartition des rôles avec mes associés. Mes missions portaient sur le marketing en ligne. En faisant 2-3 trucs propres, on avait des taux de retour extraordinaires. Maintenant, quasiment toutes les marques sont présentes et la concurrence est beaucoup plus dure qu’avant. Mais cela reste un de nos médiums principaux d’acquisition. Clairement, sans Facebook et Instagram, Perùs n’existeraient pas aujourd’hui.
Le problème dans cette stratégie, c’est le budget nécessaire à investir. Notre efficacité est moindre et une bonne partie de notre marge part dans l’achat d’espace publicitaire. Notre défi est sortir de cette dépendance aux réseaux sociaux, de trouver de nouveaux relais de croissance, de nouvelles manières d’acquérir des clients ou de les fidéliser… C’est un vrai sujet pour l’ensemble des DNVB.
GC – Comment arrivez-vous à créer cette fidélité et cet engagement de la part de vos clients ?
NL – Il y a plusieurs manières, mais globalement, on essaie de donner un maximum d’informations. Notre calendrier de publication s’articule aujourd’hui sur plusieurs thématiques : présenter des régions du Pérou, « l’alpagas friday »avec des posts fun sur notre animal totem, les produits, le projet social… On n’est pas très à l’aise, mais dans la mesure du possible, on essaye de se mettre en avant, de montrer qu’il y a de vraies personnes derrière Perùs.
C’est un point sur lequel on doit vraiment travailler car le personal branding dans les DNVB cartonne. C’est un retour qu’on nous fait depuis longtemps… C’est juste qu’on a du mal à se mettre en avant. En tout cas, on essaie juste d’être nous-mêmes, d’être authentique. Quand on fait des erreurs, mea-culpa. Quand on a des victoires ou qu’on a bien fait les choses, on essaye de le dire aussi. Par exemple, tous les X années, on fait une infographie sur nos réussites comme le nombre d’enfants qu’on a réussi à scolariser grâce à Perùs. On veut juste être simple et on espère que les gens le ressentent quand ils nous entendent parler. Voire qu’ils aient envie de faire partie de l’équipe.
GC – Comment gérez-vous les contraintes d’achat en ligne pour vos clients qui ne peuvent essayer et de proposer en plus la pré-commande ?
NL – Le consommateur prend peu de risques car il peut le renvoyer gratuitement le produit s’il ne lui plaît pas. Même s’il change d’avis lors de la pré-commande, l’annulation est très facile. Au final, cela ne lui coûte rien. Notre priorité est de limiter au maximum les points de friction avec des livraisons gratuites à partir d’un certain montant et des retours gratuits. Pour les pré-commandes, cela représente entre 30 et 40 % de notre chiffre d’affaires. En faisant une pré-commande, notre client bénéficie de tarifs plus intéressants. En quelque sorte, ce sont des soldes inversés.
Au lieu de baisser les prix sur les fins de stocks et de vendre des produits que les gens n’aiment pas, on préfère le faire en début de vie du produit. Cela nous permet de savoir exactement le nombre de pièces dont on aura besoin et d’éviter le sur stock. C’est vraiment une vision gagnant-gagnant pour tout le monde : les clients, la planète et Perùs. Nous n’avons quasiment aucun en fin de vie, sauf peut-être 5-6 % qui finiront en soldes classiques.
C’est vraiment minoritaire par rapport à certaines marques qui vont vendre près de 40 à 60 % de leurs stocks en soldes. Ce fonctionnement a permis d’instaurer une confiance au fur et à mesure dans le temps avec nos clients. Aujourd’hui, nos clients fidèles représentent 25-30 M de nos ventes pour des 2e et 3e commandes. Ils peuvent nous faire confiance et s’assurer de garder le produit dans le temps.
GC – Si tu pouvais (te) donner trois conseils au début de l’aventure Perùs, ce serait quoi ?
NL – Plein de gens ont envie de se lancer et ne le font pas. Mon premier conseil, c’est « GO », il faut y aller et éviter de se poser trop de questions. Le second serait d’assurer la production. Au début du projet, on voulait des producteurs super artisanaux, familiaux. Nos premiers producteurs travaillaient dans leur maison à Arequipa au Pérou. On a voulu développer une relation forte dès le départ, passer du temps avec eux… Nous étions un espoir pour ces artisans.
Malheureusement, la production n’était pas assez cadrée, ni assez professionnelle en terme de qualité. Les premiers produits – 300-400 premières paires, n’étaient pas assez durables. C’est un point qui a pesé pour nos premiers clients. Certains ont été cool, d’autres ne sont jamais revenus. Si tu as un problème avec ton achat au bout de quelques mois, tu n’as pas trop envie d’acheter de nouveau. Donc, je le redis : assurer la production avec une bonne qualité, sans travailler tout le temps par itérations en disant « Il y a un problème, du coup on modifie…» .
C’est mieux d’avoir une réflexion en amont pour être parfait. Et le dernier serait d’être authentique et fier de ce que l’on fait. Il faut que la personne aime ses produits, son projet… que ça se sente quand elle en parle. Pour résumer : se lancer vite, assurer la production et être authentique. Mais on a plein d’autres conseils que l’on donne dans un article intitulé Comment lancer sa marque en crowfunding ?.
GC – Dans une interview, tu reprenais les propos d’Elon Musk en disant que tu aimais bien « l’idée de se lancer dans le vide et de trouver des solutions après ». Quand on a 22 ans, quelles sont les peurs quand on décide de se lancer ?
NL – Au moment de nous lancer, la chance était de notre côté. Nous prenions peu de risques : on vivait chez nos parents, l’investissement financier était minime, on était jeunes… Si ça se passait mal au bout d’un ou deux ans, on pouvait rebondir et reprendre un travail plus classique. Mais je suis d’accord qu’il faut réussir à passer le pas et qu’il n’est pas évident de se lancer.
On est plutôt fonceurs : prendre une décision, aller dans un sujet, trouver les solutions au fur et à mesure… ce qui est le commun de beaucoup d’entrepreneurs. Quand tu es entrepreneur, ton quotidien se concentre sur la gestion de nouvelles problématiques et de leur résolution. C’est ce qui est marrant aussi. Comment faire pour avancer, répondre aux problèmes que tu rencontres. Sans ça, on s’amuse moins.
GC – Certaines personnes ont peur de franchir le pas de peur des sacrifices. Après ces quelques années d’expériences, est-ce que tu as dû faire beaucoup de sacrifices pour réaliser ce projet ?
NL – Je ne pense pas. Le sacrifice principal serait en termes de rémunération. Avec un travail plus classique, j’aurais sûrement mieux gagné ma vie. Après, l’entrepreneuriat c’est aussi du stress et des risques. Tu n’as jamais aucune certitude sur le fait que ça fonctionne. C’est juste du temps à investir avec le risque d’un arrêt d’activité à la fin…Mais avec le recul, je me rends compte que beaucoup de marques qui se sont lancées après nous n’ont pas résisté. Nous avons la chance de faire partie de ces marques qui ont survécu après sept d’an d’activité.
GC – Ce serait quoi ton plus grand échec ou ton plus grand enseignement professionnel ?
NL – Je pense qu’on a été un peu feignant à un moment de l’entreprise. On n’a pas su avoir suffisamment de nouveaux projets ou une vision commune avec mes associés pour aller plus loin. On a stagné et cela à parfois mangé notre motivation. Cela a parfois entraîné un peu de lassitude et in fine, un plafond de verre sur la marque. En termes d’enseignement, je dirais qu’un entrepreneur doit avoir une grande flexibilité et être capable de travailler souvent en réaction. Être capable de se remobiliser très vite.
Tu as des hauts et de bas importants au cours d’une année. Il faut réussir à rester curieux, garder de l’intérêt sur de nouveaux sujets, de nouvelles activités, de nouveaux aspects de son métier, voire le redécouvrir parfois pour continuer à se développer. Et continuer à s’amuser au sein de la boîte.
GC – C’est quoi le succès ou la réussite pour toi en tant qu’entrepreneur ?
NL – Pour moi, c’est intimement lié à l’équilibre de vie et le fait d’avoir des passions à côté. La dimension « travail » est importante sans pour autant être l’unique truc dans ma vie : voir ses amis, faire du sport, pouvoir profiter de la vie, prendre le temps de dîner avec ses amis, partager des week-end, faire des voyages…
Réussir à concilier tout ça avec une réussite minimum me paraît bien. À partir du moment où ça fonctionne bien, que tout le monde gagne bien sa vie au sein de la boîte, ça me suffit. On n’est pas obligé d’aller chercher absolument la croissance pour la croissance. Le but c’est d’avoir des nouveaux projets, une nouvelle dynamique et toujours des nouvelles choses à apprendre. Pas forcément d’aller plus haut pour aller plus haut.
GC – Comment est-ce que tu te motives pour garder le cap ?
NL – En prenant du recul pour observer tout ce qu’on a réalisé. Quand on a la tête dans le guidon, on ne se rend pas compte de tout le travail qui a été accompli. À quel point, il y a des choses positives en termes d’impact, de nombre de ventes, de réussite… Le fait de prendre du recul pour apprécier tout ce qu’on a réalisé et se dire « Ok, à partir de là, comment fait-on pour faire encore mieux ? Comment fait-on pour avoir un nouveau kif ? ». Parfois, il faut essayer de voir le passé et de visualiser le futur pour se dire « Qu’est-ce que je veux et comme j’y arrive ? ».
GC – Ce serait quoi la chose dans laquelle tu crois et que les autres voient un peu comme une folie ?
NL – C’est une bonne question…Peut-être cet aspect d’équilibre de vie. Les gens envisagent une réussite professionnelle par beaucoup de travail. Personnellement, je me bats pour un équilibre de vie.
GC – Est-ce que tu aurais des comptes Instagram à recommander ?
NL – Il y a beaucoup de comptes très stylés en DNVB qui maîtrisent les codes à la perfection. Des marques qui font des choses super en termes d’engagement de communauté, de style… Je pense à Patine pour une marque de mode. J’aime beaucoup ce qu’ils font. Il y a aussi une autre marque que j’admire, c’est Loom qui a un blog super précis sur le milieu de la mode en général.
Ce sont eux qui ont lancé le groupement « En mode climat » dont on fait partie et qui cherche à peser sur les décisions gouvernementales pour un futur « score carbone » pour les vêtements. Le postulat de base, c’est qu’il y a une prime aux vices. Aujourd’hui, les grandes marques de fast fashion produisent à très bas prix au détriment des personnes qui travaillent sur les produits. Ils ont un avantage compétitif sur nous qui est énorme. Ils arrivent à vendre un t-shirt en coton bio par exemple à 5 €, là où on l’achète le double. Et avec nos coûts, on va devoir le vendre à 35 €. « En mode climat » cherche à faire pression pour créer une sorte de taxe sur les vêtements qui sont importés?
Un dernier compte auxquel je pense et qui me fait marrer, c’est Livio et la vie moderne. J’aime bien les petites scènes de vie qui sont décrites. Je trouve qu’il capte bien des moments de vie et c’est un compte qui me fait kiffer.
GC – C’est quoi tes prochains projets, soit en tant qu’entrepreneur, soit au sein de Perùs ?
NL – On a énormément d’idées pour des nouveaux produits. En ce moment, la situation évolue en interne et on recrute de nouvelles personnes. Pour faire rapide, on était trois associés à la base. On était plus que deux l’année dernière. Et à la fin de l’année, je serai le dernier associé fondateur qui restera dans l’équipe. Donc j’essaye de m’entourer.
Le projet, c’est de vraiment accentuer ce côté management et trouver les nouvelles personnes qui pourront m’accompagner dans le développement de Perùs. Et à titre perso, je me suis mis au golf l’année dernière et j’aimerais développer cette activité qui me fait vraiment kiffer. Je prends un plaisir de fou à jouer et à progresser.
GC – Le mot de la fin ?
NL – Merci à toi pour cette interview. C’était super documenté… C’est rare d’avoir des personnes qui préparent autant les interviews. Tu avais lu ou vu pas mal de choses et les questions étaient super précises et pertinentes donc merci d’avoir autant préparé.
Sinon, si ce que j’ai dit vous a fait penser à des choses, n’hésitez pas à m’envoyer un message sur nicolas@perus.co. Je suis ouvert à toute suggestion ou remarques sur ce que j’ai dit. Vous pouvez nous retrouver sur notre site « perus.co » et sur les réseaux sociaux, Facebook et Instagram. Et voilà. merci beaucoup.